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LES WAGONS A BOGIES D’ORIGINE AMERICAINE (DITS TP 1917)

PAR CHRISTIAN

COPYRIGHT RMA49 Avril 2020

Après l’armistice de novembre 1918, le ministère des Travaux Publics (T.P) fût chargé de la reconstruction des régions dévastées par les combats, ce qui générait, notamment, d’énormes besoins en moyens de transport, en particulier ferroviaires. Or, les réseaux NORD et EST avaient été dévas­tés durant les cinq années de guerre et manquaient cruellement de matériel, en dépit de l’aide apportée par les autres réseaux (cessions ou prêts de matériels roulants).

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Couvert 4 portes avec guérite serre freins

Amorçant leur rapatriement dès les premiers mois de 1919, les armées américaines décidèrent de ne pas remporter une part considérable des équipements amenés des Etats-Unis, dont la majeure partie du parc VF de l’US TRANSPORTATION CORPS (équivalent du Train des Equipages français ; ce dernier comprenait le service militaire des chemins de fer mais pas les sections de chemin de fer du Génie). Hormis quelques cessions gracieuses d’importance très limitée, ces matériels firent l’objet de ventes massives à très bas prix aux administrations comme à des entreprises ou à des particu­liers (le terme « stocks américains » viendrait de là).

C’est dans ce cadre que le ministère des T.P se porta acquéreur d’importants lots tant de wagons que de locomotives (140 G dites PERSHING par exemple). On notera qu’une part importante de ces matériels était arrivée en France après l’armistice et se trouvait donc en cours ou en attente de montage («kits » en caisses), voire encore en fabrication aux USA ! Pour contribuer à la reconstitution du potentiel de transport des réseaux, le ministère des T.P leur transféra ensuite la propriété de ces équipements pour partie à titre gratuit, afin de s’acquitter au moins partiellement de la dette de l’Etat à leur égard (indemnisation des destructions liées aux opérations, des transports en cours d’opérations, des réquisitions de matériels au profit du SMCF, etc..), et pour l’essentiel sous le régime de la location-vente. Ces opérations se déroulèrent entre 1920 et 1923.

Il importe cependant de souligner que l’appellation « T.P » que l’on accole à de nombreux matériels ferroviaires ne concerne pas exclusivement ceux acquis auprès des armées américaines, même s’ils sont de loin les plus nombreux. En effet, le ministère des T.P acheta également, pour les mêmes raisons et selon les mêmes modalités, des matériels neufs (ex : les voitures TY de l’EST et du NORD) auprès de l’industrie française ou étrangère (GB et USA surtout). Ces matériels sont donc également baptisés T.P. Par contre, les locomotives, voitures et wagons provenant d’Allemagne au titre des répara­tions de guerre n’entrent pas sous la dénomination T.P, même si ce ministère en géra la répartition entre les réseaux ; ils sont habituellement dénommés « armistice 1918 ».

De même, il convient de préciser que le réseau de l’Etat avait acheté en 1917 à l’industrie américaine plus de 2000 wagons (majoritairement des tombereaux). Leurs caractéristiques étaient assez similaires à celles des T.P et ce d’autant que certaines ont ensuite été reprises dans les commandes de l’armée américaine afin de faciliter l’utilisation sur les réseaux français. Stricto sensu, ils ne sont pas des T.P mais ils ont souvent été confon­dus dans les états périodiques des matériels.

Le présent article se limitera à étudier les wagons T.P d’origine militaire américaine arrivés en France suite à l’entrée en guerre des Etats-Unis. Nous les appellerons  donc T.P US 1917 (à distinguer des wagons US, beaucoup moins nombreux, dont hérita la SNCF en 1945).

PERSHING, FELTON et RODGERS, le parc initial

Plus de 30000 wagons furent acquis au profit des réseaux. Selon qu’il s’agissait de wagons déjà en service ou neufs, notamment pour tenir compte de leurs valeurs d’achat fort différentes, on les dénomma PERSHING (général commandant le corps expéditionnaire américain), FELTON ou RODGERS (américains ayant négocié certains contrats de  vente à la France). Ce distinguo est anecdotique et n’affecte nullement les caractéristiques techniques des wagons. Les RODGERS sont exclusivement des ballastières.

Comme souvent, les données numériques disponibles sont partielles et éparses. Les dates de référence des états établis par les réseaux varient d’un réseau à l’autre ce qui rend délicat toute totalisation, notamment en raison des nombreux échanges ou cessions inter réseaux ou des multiples transformations opérées (ex : réfrigérants en tombe­reaux). Il serait donc vain de prétendre à l’exactitude et les quantités indiquées doivent être prises comme des ordres de grandeur probables, à défaut d’être certaines.

Le parc initial comprenait 33060 wagons, dont 13200 PERSHING et 19860 FELTON pour ce qui concerne les seules compagnies. Certains documents estiment le parc « com­mercial » des TP 1917 à environ 38000 wagons. Ceci est cependant tout à fait plausi­ble… dès lors que l’on prend en compte les 2000 wagons de l’Etat (supra) et ceux des parcs « privés » (industrie chimique et pétrolière ; compagnies minières et forestières notamment).

On notera que le réseau A.L, issu de l’ex réseau Elsass-Lothringen de la période d’annexion allemande, n’a reçu aucun wagon TP. Cependant des wagons TP appartenant à des sociétés privées ont été immatriculés au réseau AL (ex : pétroles de Pechelbronn).

Le parc TP initial des compagnies comprenait :

    • 13788 couverts à 2 ou 4 portes, dont 5005 avec vigie serre-freins (tous réseaux) ;
    • 456 plats (tous réseaux) ;
    • 240 plats spéciaux 40 tonnes (NORD, ETAT, PO, PLM) ;
    • 11550 tombereaux (tous réseaux) ;
    • 1638 citernes (tous réseaux) ;
    • 1463 réfrigérants ou isothermes à 2 portes (PO, ETAT ET PLM) ;
    • une centaine de ballastières (nombre exact non connu).

Caractéristiques générales.

Conformément aux usages de l’industrie et des chemins de fer américains, les caracté­ristiques des wagons étaient très standardisées.

Les caisses sont construites en profilés métalliques et en frises de bois. Les toits sont couverts de toile goudronnée.

Les châssis, fortement entretoisés, sont réalisé en profilés et tôles assemblés par rive­tage. Leur longueur est de 11,04 m sauf les citernes (9,60 m). Les plats type 40 tonnes ont un châssis spécifique long de 12,19 m. Certains types de wagons disposaient de raidisseurs de châssis composés de barres dont la tension était réglée par des tendeurs à lanterne. Cette caractéristique concernait à l’origine les plats (autres que ceux de 40 T), les réfrigérants/isothermes et les tombereaux. Cependant, certaines reconstruc­tions avec changement de type ont engendré quelques wagons « hérétiques » par rapport aux standards initiaux de leur catégorie ; ainsi de certains couverts NORD et ETAT transformés en isothermes : ils ne comportent pas de raidisseurs de châssis.

Ils reposent sur des bogies DIAMOND type Arch Bar équipés de roues pleines moulées de 858 mm de diamètre. Les réseaux puis la SNCF les remplaceront en grand nombre par des roues à rayons. Leur suspension est assurée par des ressorts à spirales uniquement (8 par bogie). Les réseaux les remplaceront par des ressorts à pincettes sur les wagons destinés à circuler dans les trains de messagerie.

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Bogie DIAMOND à ressorts en spirale

Le freinage comprend à la fois un système à air comprimé de type frein continu, encore peu répandu  à l’époque sur les wagons des réseaux français, et, sur une part importante du parc TP 1917, un frein d’immobilisation commandé du sol par un volant mais d’un seul côté. L’action de ce type de frein était plus rapide et plus brutale que celle des systè­mes français d’où des difficultés parfois sérieuses (allant jusqu’à des ruptures d’attelages) dans les rames comprenant des wagons « réseaux » et TP 1917. Il sera amélioré dans les années 30 par l’adoption d’une valve triple.

Les tampons étaient du type ETAT, probablement par influence de la commande passée aux USA par ce réseau.

On relève quelques particularités affectant une partie du parc des couverts :

    • près de 5000 wagons équipés d’une vigie ouverte.
    • environ 400 wagons affectés au transport de munitions étaient non freinés. Il s’agissait de prévenir les risques d’incendie (étincelles ; surchauffe par blocage…). Leur caisse était tôlée, sans volets d’aération, et comportait une porte en bout.

Par ailleurs, 3500 tombereaux comportaient une barre de faîtage mobile permettant de les bâcher. Il s’agissait de wagons affectés au transport de munitions, essentiellement des obus de gros calibre rangés verticalement (sans caisses de transport). Les fusées de mise à feu n’étaient pas montées et étaient toujours transportées séparément. Ces barres ont été déposées dans les années 1930.

Carrière commerciale.

La carrière des wagons TP 1917 s’est déroulée entre le début des années 20 et le début des années 70, soit près de 50 ans. Elle a été affectée par plusieurs paramètres.

En premier lieu, on retiendra que les différents types de wagons de ce parc ont connu d’innombrables transformations (souvent en quelques exemplaires) pour les adapter aux besoins, et ce dès les premières années. Ceci résultait notamment du fait que certains types de wagons étaient trop nombreux par rapport aux besoins de leurs réseaux ou s’avéraient inadaptés aux contraintes des clients (infra).

En second lieu, on constate que si certains types (plats, tombereaux, citernes) étaient assez prisés des clients, d’autres (couverts, wagons « froid ») l’étaient beaucoup moins pour deux raisons essentielles. D’une part leur empattement les rendait incompatibles avec les innombrables plaques tournantes des gares et embranchements (adaptées aux wagons courts à essieux) ce qui empêchait ou gênait l’accès aux installations de certains clients ; d’autre part, les capacités offertes, de l’ordre de 30 tonnes, étaient souvent trop importantes pour bien des expéditeurs davantage habitués à des wagons plus petits offrant 15 / 20 tonnes.

Enfin, leurs caractéristiques de roulement (limitation à 75 Km/h pour la plupart) consti­tuèrent un handicap lorsque que la SNCF augmenta la vitesse de ses trains de fret. C’est ainsi que la quasi-totalité du parc TP était inapte au régime accéléré (RA) ce qui était difficilement acceptable pour certains trafics tels les produits frais ou froids. 

Pour autant, ces wagons rendirent d’éminents services et représentaient dans les années 50 un peu plus de 10% du parc commercial de la SNCF. L’observation de photos de rames marchandises révèle très souvent leur présence dans les années 50 et 60.

Carrière au parc de service

Le parc de service a largement fait appel à plusieurs types de wagons TP 17, et certains, largement transformés il est vrai, continuent d’y figurer (plats à bords bas modernisés).

Les couverts figurent certainement parmi les plus nombreux. Ils ont surtout été employés dans les rames de trains de travaux soit comme wagons ateliers, soit, après adaptation, comme wagons de cantonnement (cuisine ; couchage). D’autres ont été trans­formés et incorporés dans les rames des trains de secours ou utilisés comme WSGI ou WSMI (= wagons de secours de grande ou de moyenne intervention). Quelques uns furent adaptés pour des besoins très spécifiques (ex : centrale énergie pour rames de travaux dans les tunnels ; wagons ateliers pour le contrôle des bascules de pesage des gares).

Les plats, à ranchers et à bords bas, ont été largement utilisés, et modifiés, par le service VB tant pour le transport d’éléments de voie (rails ; aiguilles…) que de ballast ou de remblais. Ils servirent également dans les rames d’électrification (trains dérouleurs de caténaires ; rames dites « béton – matage »).

Les citernes ont également été très présentes au sein des parcs MT (transport de produits pétroliers) et VB (rames de désherbage).

Les tombereaux furent peu utilisés par les services MT et VB. On notera l’utilisation très particulière de quelques unités comme wagons graisseurs de caténaires.

On retiendra également un très original wagon destiné au filtrage des huiles des transformateurs de sous-stations électriques. Réalisé, semble-t-il, à Nîmes (sur base TP non définie), il servit longtemps dans ce secteur avant de terminer sa carrière dans les années 80 à Villeneuve Saint Georges où il fut utilisé au filtrage des huiles des transformateurs des TGV.

TOMBEREAU GRAISSEUR DE CATENAIRES

Les différents types de wagons TP 1917

Les couverts étaient soit à 4 portes coulissantes, soit à 2 portes, avec ou sans vigie serre-freins. Cependant, des versions particulières, issues des besoins militaires, exis­taient : 

    • transport de munition (supra) ;
    • wagons de cantonnement (rames ALVF : artillerie lourde sur voie ferrée) ou de transport de blessés.

Incorporés dans le parc des réseaux, puis de la SNCF (1938), ces wagons ont connus de multiples modifications ou transformations, impliquant parfois un changement de type.

Plusieurs centaines de couvert  (2 et 4 portes) ont été modifiés en wagons « froid », généralement isothermes (NORD, ETAT).

De même, le PLM transforma profondément 850 couverts pour assurer le transport des primeurs : ressorts à pincettes (vitesse maximum portée à 100 Km/h), volets d’aération de bas de caisse et en bout, guérite serre-frein dans la caisse avec accès par portes latérales (100 wagons).

Les wagons de cantonnement ont le plus souvent été employés comme fourgons de messagerie après adaptation de leurs bogies (ressorts à pincettes).

Outre l’utilisation fréquente, dès les années 20 (ETAT, EST…) dans les rames de service VB ou MT (trains grues) et les transformations en wagons de secours, on relève ainsi quelques versions plus originales : un couvert surélevé pour le transport d’éléphants (réseau NORD) ; dix wagons adaptés au gabarit anglais  pour les trains « Ferry » (NORD) ; wagons groupes électrogènes (EST) ; un couvert 2 portes adapté pour le transport d’automobiles de luxe avec portes en bout (ETAT) ; transformation de quel­ques dizaines en plats (SNCF années 50). Il y eut certainement d’autres modèles modi­fiés plus ou moins profondément.

WAGONS COUVERTS

Les couverts étaient soit à 4 portes coulissantes, soit à 2 portes, avec ou sans vigie serre-freins. Cependant, des versions particulières, issues des besoins militaires, exis­taient : 

    • transport de munition (supra) ;
    • wagons de cantonnement (rames ALVF : artillerie lourde sur voie ferrée) ou de transport de blessés.

Incorporés dans le parc des réseaux, puis de la SNCF (1938), ces wagons ont connus de multiples modifications ou transformations, impliquant parfois un changement de type.

Plusieurs centaines de couvert  (2 et 4 portes) ont été modifiés en wagons « froid », généralement isothermes (NORD, ETAT).

De même, le PLM transforma profondément 850 couverts pour assurer le transport des primeurs : ressorts à pincettes (vitesse maximum portée à 100 Km/h), volets d’aération de bas de caisse et en bout, guérite serre-frein dans la caisse avec accès par portes latérales (100 wagons).

Les wagons de cantonnement ont le plus souvent été employés comme fourgons de messagerie après adaptation de leurs bogies (ressorts à pincettes).

Outre l’utilisation fréquente, dès les années 20 (ETAT, EST…) dans les rames de service VB ou MT (trains grues) et les transformations en wagons de secours, on relève ainsi quelques versions plus originales : un couvert surélevé pour le transport d’éléphants (réseau NORD) ; dix wagons adaptés au gabarit anglais  pour les trains « Ferry » (NORD) ; wagons groupes électrogènes (EST) ; un couvert 2 portes adapté pour le transport d’automobiles de luxe avec portes en bout (ETAT) ; transformation de quel­ques dizaines en plats (SNCF années 50). Il y eut certainement d’autres modèles modi­fiés plus ou moins profondément.

WAGONS PLATS

Les plats étaient de trois types :

    • à plancher totalement plat. Ces plats étaient équipés de supports de ranchers mais…sans ranchers. Cela correspondait à l’usage des réseaux US, les expédi­teurs américains se servant de ranchers en bois dégrossis « à usage unique » taillés sur place ou de bastaings;
    • même modèle mais ayant, en plus, des lambourdes ;
    • avec bords bas comprenant une ridelle abattante par face.

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Plat à bords bas

Il existe de très nombreuses variantes issues de multiples transformations ou de la reconstruction d’autres types de wagons. C’est ainsi que plusieurs centaines de plats à ranchers ont été équipés à bords bas et que des wagons « froid » sont devenus des plats.

Les ranchers métalliques ont été ajoutés par certains réseaux. Leur taille et leur nombre par wagon sont très variables. Les éléments ci-après concernent les wagons « réseaux ». La création de la SNCF a entraîné de nombreux mouvements de matériels entre les différentes régions ainsi que des panachages de pièces (surtout des ranchers) ; par suite, on a pu observé des versions ne correspondant à aucun type « réseaux » (ex : ranchers de différentes tailles sur un même wagon).

Le NORD (# 1500 plats) installa 8 ranchers de 0,75m par face. Le PLM disposa d’environ 2000 plats dont350 cédés par le MIDI et le PO. Ces plats étaient de 3 types :

    • ceux reçus du ministère de TP furent équipés de 6 ranchers de 1,27m par face et de petits boucliers aux deux bouts, destinés à éviter le glissement axial des charges ;
    • ceux cédés par le MIDI et le PO reçurent 6 ranchers de 1,44m, 6 lambourdes et 2 grands boucliers d’extrémité ;
    • ceux (25) issus, par modification de wagons « froid » avec 8 ranchers de 1,27, sans boucliers d’extrémité.

L’EST, le PO et l’ETAT les utilisèrent en version d’origine sans ranchers. Le MIDI les dota de 8 ranchers de 1,33m par face. On notera que le PO modifia une quinzaine de plats en les équipant de 7 ranchers de 0,75m par face et d’une plateforme serre-freins avec guérite type OCEM.Outre les modifications et transformations déjà mentionnées, on relève également que des plats ont été transformés en ballastières ou en trémies (PO) et que des wagons à bords bas ont reçu des haussières d’extrémité renforcées ou métalliques.

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Plat à ranchers

WAGONS PLATS SPECIAUX DE 40 TONNES

Initialement destinés au transport de véhicules blindés (apparus vers 1917), ces wagons présentent des caractéristiques très spécifiques liées à leur vocation particulière. Il est à noter que ces plats sont parfois présentés comme étant d’origine britannique (War Department) ; ceci résulte d’une confusion dans la classification SNCF de 1948. Il s’agit bien de matériels américains directement dérivés des « flat cars  » et construits par Pressed Steel Ltd ; l’erreur provient peut-être du fait que les anglais ont construit des wagons analogues (sous licence ?) en 1939/1940, dont certains ont été utilisés en France par l’armée britannique.

Le châssis est composé de deux gros longerons renforcés et fortement entretoisés, sans raidisseurs. Les bogies de type Arch Bar renforcés sont également très différents de ceux des autres TP. Pour alléger le travail des suspensions lors des phases de chargement ou déchargement, des vérins mécaniques sont installés à chaque angle du wagon, boulonnés sur les traverses à l’extérieur des tampons ; ces vérins sont constitués par une grosse tige filetée qui vient en appui sur le rail ; Ces vérins seront déposés dans les années 30 ; cependant certains wagons ont conservés longtemps leurs supports de vérins.

Le NORD hérita du plus gros contingent (140 wagons). Elle équipa la plupart de bords bas et porta la capacité de trente autres de 40 à 45 tonnes (renforts des bogies et de la suspension surtout).Le PO en reçut 70 dont une partie fut équipée de ranchers. Le PLM fut doté de 30 plats spéciaux dont une partie fut radicalement transformée : 4 furent adaptés pour le transport de charges lourdes et/ou volumineuses (évidement central + traverses mobiles recevant le chargement) ; 4 autres en wagon pupitres (transport de grandes tôles surtout).

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Plat spécial de 40 tonnes (restauré)
 

Passés dans le parc SNCF, ces plats continuèrent de connaître de nombreuses adapta­tions aux nouvelles exigences commerciales. Outre de multiples variantes de ranchers et de lambourdes, on adapta des wagons à des besoins particuliers tels que le transport de poteaux en béton ou de pièces métalliques de grandes dimensions. Enfin, deux wagons furent modifiés pour s’intégrer dans la rame de la grue COCKERILL de 130 tonnes : l’un comme porte-lest mobile, le second comme porte flèche.

WAGONS TOMBEREAUX

Par leur nombre (plus de 11000), les tombereaux sont particulièrement présents dans le parc marchandises des réseaux puis de la SNCF. Très appréciés des chargeurs pour leur capacité importante, à une époque où les tombereaux à 2 essieux n’offrent que 15 à 20 tonnes de charge, ces wagons sont d’abord utilisés pour le transport de produits pondé­reux (charbon, minerais, produits de carrières…). Par ailleurs, ils sont également employés pour l’acheminement des marchandises les plus diverses telles que machines outils (souvent en caisse), produits finis sidérurgiques, engrais, produits ensachés (avec bâchage), poteaux de mines, etc. 

Leur utilisation intensive conduit souvent à des détériorations de la caisse, notamment lorsque des machines de manutention sont utilisées. Il s’en suit de multiples réparations, parfois de fortune, qui donnent à certains wagons un aspect assez délabré. Pour cette raison, des modifications plus ou moins profondes ont été mises en œuvre : métallisation des extrémités, portes métalliques, lisses renforcées, caisses entièrement métalliques.

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Tombereau avec de multiples « rustines »

Comme la plupart des types TP, les tombereaux connurent des versions plus ou moins originales : tombereaux construits à partir d’isothermes ; transport de traverses (NORD, années 30) ; transport de bois de trituration (années 60). Les propriétaires de wagons particuliers ne furent pas en reste et procédèrent à des adaptations. L’une des plus connues concerne la société des Produits Chimiques de Clamecy et sa filiale la Société Forestière de Clamecy et du Centre qui firent reconstruire des tombereaux avec caisses hautes et, sur certains, une passerelle serre-freins. Ces wagons transpor­taient du bois destiné à l’industrie chimique.

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Tombereau reconstruit de la SFCC

WAGONS CITERNES

Environ 1700 citernes furent réparties entre les réseaux (sauf AL). Les lots les plus importants furent attribués au NORD (400), au PLM (480) et au PO (590).

L’arrivée de wagons citernes modernes et de grande capacité (pour l’époque) fût une aubaine pour les entreprises du secteur pétrolier qui ne disposaient jusqu’alors que de wagons de faible contenance et commercialisaient une grande partie de leur production en fûts métalliques et en bidons. Curieusement, les réseaux les apprécièrent peu et s’empressèrent soit de les revendre ou de les louer à des entreprises, soit de les passer dans leurs parcs de service.

En service jusqu’au début des années 70, les citernes TP furent utilisées pour les trans­ports de produits pétroliers et chimiques. Ils connurent différentes modifications pour les adapter au transport de certains produits :

    • systèmes de réchauffage pour faciliter le déchargement des produits visqueux tels certains fuels, goudrons et bitumes. Ces dispositifs consistaient en de gros tuyaux qui traversaient la citerne dans le sens axial et dans lesquels on faisait circuler de la vapeur ou de l’eau très chaude ;
    • nouvelles citernes (certaines soudées) avec revêtements intérieurs spécifiques (émaillés souvent) pour le transport de produits corrosifs.

Pour mémoire, on rappellera la transformation (années 40/50) de nombreuses unités pour les trains désherbeurs.

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Citerne TP pour rame de désherbage (rame VB d’Orléans)

Outre les trains désherbeurs, les citernes TP ont été intensivement utilisées dans les parcs de service. Le service VB s’en est notamment servi pour le transport de créosote vers les établissements fabriquant et traitant les traverses bois (Port d’Atelier ; Brete­noux – Biard…).

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Citerne « cul jaune » du parc de service

Le service MT assurait le ravitaillement en fuel des dépôts diesel et des dépôts déten­teurs (ou relais) de vapeur fuel (141 R essentiellement) avec des rames dédiées. Ce service stockait et transportait également les huiles usagées dans des citernes TP ; cette utilisation perdura longtemps (citernes « culs jaunes) dans de nombreux établissements (dépôt autorail de Metz Sablons ; ateliers de Romilly..).

WAGONS « FROID »

Stricto sensu, les wagons « froid » TP 1917 sont ceux apportés des Etats-Unis et d’un type bien particulier conforme aux usages des réseaux américains. Cependant, ainsi que déjà évoqué, les réseaux français transformèrent des couverts en isothermes ou réfri­gérants. Inversement, une part non négligeable des wagons »froid » originaux donna naissance à des tombereaux ou plats.

Sur un châssis TP de longueur standard, équipé de raidisseurs, repose une caisse en bois (frises verticales) avec une seule porte à deux battants par face. La toiture est soit lisse (isothermes) soit équipée de bacs à glace à chaque extrémité (réfrigérants). Il n’y a pas d’aérateurs éoliens de toiture (équipement ultérieur par les réseaux sur partie du parc) ; la réfrigération se fait par ouverture des trappes de bacs à glace pour forcer l’air à passer durant la marche du train. L’accès au toit se fait non par une échelle mais « à l’américaine » par des barreaux fixés aux angles de la caisse.

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Un « vrai » TP réfrigérant avec numéros USA, ministère TP et PO !

Les wagons « froid » obtenus par adaptation de couverts étaient presque exclusivement des isothermes, souvent avec une double toiture ce qui explique qu’une part notable de ceux-ci passa au parc de service comme véhicule de cantonnement (très appréciés pour leur excellente isolation).

Il ne semble pas que des wagons de ce type aient été équipés de groupes producteurs de froid qui en auraient fait des frigorifiques.

Au plan commercial, il convient de rappeler que les wagons « froid » (isothermes surtout) ont souvent été employés pour transporter des marchandises sensibles au…froid (bois­sons diverses, légumes frais…) en période hivernale.

WAGONS BALLASTIERES

Affectés au service de la voie, ces wagons sont de deux types : ceux d’origine améri­caine et ceux obtenus par transformation de plats (PO). Un ingénieux dispositif de plancher et de cloisons mobiles permettait de les utiliser en version trémie (ballastières) ou en version wagon plat (transport de matériel de voie). En déposant les cloisons intérieures et en abattant les bouts il était même possible de faire circuler des véhicules de travaux d’un wagon à l’autre. La charge maximale était de 30 tonnes. Le NORD a également modifié le système de vidage de ces ballastières afin d’en améliorer le fonctionnement.

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Ballastière RODGER

DIVERS

Les wagons TP ont fréquemment servis de base pour la réalisation de wagons originaux (tombereaux métalliques couverts pour le transport de chaux ; plat désherbeur du réseau EST de Lyon) ou de prototypes (couvert à parois coulissantes EVS ; transport de coils). D’autres, essentiellement des plats, ont été fortement modernisés (transport de grumes à ranchers) et certains circulent encore dans les rames de travaux SNCF (plats à bords bas). On peut raisonnablement penser que certains TP circuleront encore en 2017 soit 100 ans après leur arrivée sur le territoire français.

Les wagons TP à l’échelle HO.

Très présents dans le parc réel SNCF, le TP 1917 le furent aussi en HO dès le début des années 50 et le sont encore aujourd’hui. Durant les années 50/60, ils figurent au catalogue de la plupart des marques françaises, puis connaissent deux décennies de relatif désintérêt (années 70/80) avant de connaître un retour en grâce à partir des années 90.

Selon les marques et les époques, les modèles sont réalisés dans les matériaux les plus divers : tôle emboutie ; zamac ; fonderie d’aluminium ; laiton ou maillechort ; carton pressé (presspahn) ; bois (citernes souvent) ; plastiques divers. La qualité de reproduction et la fidélité aux wagons originaux sont très variables selon les marques et les époques, les modèles allant du jouet à la reproduction fidèle.

Les principales productions de la période des années 50 et 60 sont précisées dans le tableau suivant :

MARQUES MODÈLES OBSERVATIONS
AU PULLMAN (1952/1960) Couvert à guérite et réfrigérant STEF Presspahn
RATEAU (1954/1964) Couvert 2 et 4 portes ; plat ; citernes (nombreuses décorations) Châssis tôle ; caisses presspahn + laiton ; citerne en bois
SMCF (fin 40/1961) Couvert, tombereau, plat, citerne, plat à ranchers Respect de l’échelle 1/87° ; modèles en zamac. SMCF est racheté en 1961 par Meccano
JEP (vers 1955/ années 60) Couvert, tombereau, plat, citerne…à guérite ( !), plat à ranchers, réfrigérant STEF D’abord en plastique avec détails rapportés en métal puis tout plastique ; marquages succincts
HORNBY-ACHO (années 60) Plat et tombereau (1962) ; couvert et citerne (1963) Nombreuses variantes de chargements. Réalisation de qualité, couleurs fidèles; bon roulement ; largeur excessive des bogies métal.
GEGE (1962/1970) Couvert, citerne, plat, tombereau Plastique injecté. Très jouet ; qualité moyenne.
VB (années 50/60) Couvert 4 portes, plat, tombereau, plat à ranchers avec serre freins Selon modèles, réalisation en presspahn, moulée ou plastique. Un même modèle peut exister en 2 types de réalisation. Multiples ver­sions (chargements et colo­ris ; détails et marquages). Des versions spéciales : train désherbeur (cou­verts), cirque PINDER (plats), entreprise électro-mécanique ; plat porte fusée, etc..
RMA (années 50 à fin 80) Couvert (plusieurs versions dont avec guérite et WSMI) Bon niveau ; modèles originaux.
JOUEF (années 50 à 90) Couvert 4 portes, plat à ranchers, plat à bords bas, tombereau, réfrigérant STEF (fantaisie). Plastique. Modèles jouets de réalisation très moyenne.

Les années 1970/80 ne connaissent guère que les modèles JOUEF qui, malgré la sortie de nouvelles versions (couleurs, chargement), restent très « jouet » et sont totalement dépassés. Les seules nouveautés apparues dans les années 80 furent diffusées par la marque, éphémère, TRAINS ROUSSEAUX : plat à bords bas, citerne, tombereau, plat à ranchers. Réalisés en plastique et vendus en kits, ces modèles étaient de bonne qualité et d’un niveau de fidélité satisfaisant. Le roulement et le système d’attelage étaient cependant médiocres. A noter les originales versions « Clamecy » des tombereaux : marquages correctes mais aux caisses non conformes (caisses ordinaires et non surélevées comme sur les wagons réels).

Le renouveau intervient dans les années 90 avec la sortie de nombreux modèles par l’artisan Gérard HUET (marque HUETtrains). Ces kits (laiton + maillechort et fonderie) permettent de réaliser la plupart des types de TP et ce dans diverses versions souvent inédites :

    • couverts 2 et 4 portes ; couvert primeurs PLM
    • isotherme et réfrigérant d’origine US
    • couverts isothermes NORD/ETAT(couverts transformés)
    • citerne
    • plat à ranchers (nombre et hauteur variables ; version avec guérite)
    • plat spécial 40 tonnes

La gamme HUET ne comporte ni plats à bords, ni tombereaux, ni ballastières. Ces modèles artisanaux se caractérisent par leur grande fidélité aux wagons originaux (nombreux détails ; dessous de châssis conformes et complets) ainsi que par la qualité du roulement et des marquages (anciens réseaux et SNCF diverses époques). La précision des notices de montage constitue encore aujourd’hui une référence rarement égalée. Ces kits s’adressaient néanmoins à des amateurs ayant déjà une certaine expérience du montage de modèles.

A partir de 2001, FLEISCHMANN sort, en plusieurs versions, des couverts 2 et 4 portes, des tombereaux et des plats à bords. Très fidèles en ce qui concerne les dimensions, la gravure, les couleurs et marquages, ces modèles sont desservis par des roues à rayons non conformes et, surtout, assez clinquantes qu’il est souhaitable de remplacer par des modèles plus conformes (AMF 87 en particulier).

L’artisan allemand MAKETTE diffuse en 2009 des citernes TP de très bonne qualité et avec de très nombreuses décorations (époques II à IV).

Les TP retrouvent une certaine actualité à partir de l’année 2015 avec de nombreux projets ou réalisations :

    • AMF 87 : reprise du plat spécial 40 tonnes de HUETTRAINS avec améliorations ;
    • R 37 ; tombereaux  modifiés « Clamecy », ballastières (une première !) et couverts type WSMI ; sortis en 2016
    • FLEISCHMANN : reprise, avec de légères améliorations, des modèles 2001;
    • MAKETTE : nouvelles décorations de citernes ;
    • REE : les plats à bords sont sortis en de nombreuses versions en 2016; les plats « nus » ou à ranchers puis les frigorifiques d’origine américaine (les vrais !) et les couverts ont suivi à partir de 2018. De nombreuses autres versions sont prévues.

Les wagons TP constituent un incontournable du parc SNCF des années 20 à 60, même si quantitativement ils n’en constituaient qu’une part limitée. Leur silhouette et leurs caractéristiques se démarquaient nettement des autres wagons et leur présence dans une rame était immédiatement perçue. Leur omniprésence sur les réseaux modélistes des années 60 (« génération JOUEF ») explique également l’intérêt manifesté par les amateurs d’aujourd’hui pour ces matériels emblématiques du chemin de fer d’hier.

NOTA

La documentation relative aux wagons TP d’origine américaine est assez limitée. Ce n’est qu’à partir de 2015 que quelques articles de qualité leur ont été consacrés. On notera particulièrement que la revue VOIES FERREES a publié (vers 2016/2017) quelques articles bien documentés… peu avant de disparaître. Par ailleurs, le Cercle historique du rail français (CHRF) a publié en 2017 un numéro spécial spécialement consacré à ces matériels. Tout à fait remarquable par la richesse des informations et la qualité des photographies, cette publication ne porte que sur la période où ils ont été utilisés en France par l’armée américaine et sur leur répartition entre les réseaux par le ministère des TP ; cet opus peut être acquis soit par correspondance (cf. site internet du CHRF), soit sur le stand de cette association toujours présente lors des grandes expositions.

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