REHABILITATION D’UNE LOCOMOTIVE A VAPEUR VIVE
ASTER TYPE RENO 4-4-0 V. & T. R. R. « Western »
4ième partie
Par Claude Gagneron alias CigerPapyZ
Par Claude Gagneron alias CigerPapyZ
PREAMBULE
Chers amis lecteurs ferrovipathes, je sais que votre attente fébrile est au paroxysme tant le suspense de cette saga est insoutenable ! Voilà enfin l’avant-dernier épisode qui précède l’apothéose : la mise à feu et les essais de la « Western ».
Mais avant d’entrer dans le vif du sujet (rassurez-vous, il n’y aura pas de sang ), je tiens à apporter quelques précisions et à m’excuser pour le délai important entre la 3ème partie et celle-ci. Tout d’abord, il y a cette pandémie de Covid qui a touché tout le monde humain, les livraisons se faisaient au compte-gouttes, mais aussi les matières inertes : le laiton refusait d’être coupé ou plié si je ne désinfectais pas la scie, la pince, le foret et l’étau et si je ne me lavais pas les mains avant en portant un masque. Mais cela ne les a pas empêchés d’être contaminés : le tube s’est barré et la barre s’est minée ! Ajoutez à tout ça que le chalumeau avait peur d’avoir la fièvre au vu de sa température et que la brasure me rackettait en réclamant plus d’argent pour accepter de fondre : vous comprendrez aisément (pour ceux qui pensent et j’en connais peu ) quel calvaire j’ai vécu !
Ensuite, il y a eu le confinement : chez nous, la limitation de distance était de 10 mètres donc je ne pouvais pas aller de la maison à l’atelier sous peine d’amende (les gendarmes sont en planque en permanence !)
Mais tous ces soucis sont loin maintenant puisque j’ai réussi à convaincre les matériaux pour, enfin, continuer ce feuilleton qui n’a rien à envier à Dallas, aux Visiteurs ou au Labyrinthe. Vous allez enfin dormir tranquille !
PETIT RESUME DES EPISODES PRECEDENTS
- Episode 1 : Histoire d’une légende et constatation des dégâts sur le modèle.
- Episode 2 : Etude du réservoir d’alcool et de l’abreuvoir à oiseau.
- Episode 3 : Fabrication du réservoir et de l’abreuvoir.
3 - Faut-il acheter des couches Pampers ?
Quand on a terminé la confection d’un récipient, la logique veut qu’on le teste pour savoir s’il a besoin de couches antifuites ?!
J’ai alors monté le boulécrou (cf. § 2B dans l’épisode 3) en place avec une rondelle en fibre, collée au joint silicone, à l’extérieur serré par un écrou laiton sur une rondelle fibre tronquée, elle-même collée, à l’intérieur (photos ci-contre) afin d’ouvrir le passage d’écoulement du boulécrou.
Ceci effectué, j’ai donc soumis mon réservoir, sans couvercle donc sans pointeau, à un premier test de remplissage d’alcool en bouchant le boulécrou avec un doigt : grosse mauvaise surprise ☹ ! En effet, l’alcool suintait sous le fond !
Et c’est ainsi que j’ai découvert qu’une impression 3D horizontale de 1 mm d’épaisseur en dépôt de 0,1 mm était poreuse !!! Mon analyse du problème, qui n’engage que moi, est que :
- la trame d’impression est croisée d’une couche sur l’autre mais coïncidentes verticalement,
- la tension superficielle de l’alcool est plus de trois fois moindre que celle de l’eau (22 * 10-3 contre 73 * 10-3),
- l’alcool s’immisce entre les filaments déposés qui, contrairement aux dépôts verticaux qui se collent par pression, ne se collent pas totalement en latéral.
Pour lever le doute, il faudrait refaire l’impression en dépôt de 0,2 mm pour savoir si les filaments déposés se soudent mieux, voire complètement, mais pour le moment, je dois continuer avec ce réservoir.
En conséquence, il va falloir mettre des couches antifuites à mon réservoir, sachant que les élastiques ne servent à rien dans ce cas 😉 ! C’est évident mais quelles couches sont capables de stopper la capillarité de l’alcool ?
- le silicone à usage extérieur ? Il ne veut pas adhérer correctement sur le PLA,
- la résine époxy ? C’est en discutant du problème après coup avec mon Président de Club Aéromodéliste qu’il m’a dit : « tu aurais dû mettre… », donc trop tard !
- le goudron liquide épais en bombe : c’est ce que j’ai utilisé, Aqua Block de Rubson™, mais à l’extérieur pour éviter tout risque de contamination (c’était avant la Covid 😉) de l’alcool.
Après avoir vaporisé une couche de ce goudron, j’ai refait un essai de remplissage……………et ça fuyait encore ☹ ! C’était moindre qu’avant mais tout de même, c’était décevant ! J’en ai donc remis une couche (celle que certains mauvais esprits pensent que je tiens 😠), puis refait l’essai, non complètement concluant, puis remis une troisième couche qui s’est avérée satisfaisante, enfin 😎 ! Etant d’un naturel optimiste mais prudent, j’ai remis une quatrième couche de goudron pour assurer avec la ceinture et les bretelles. Si vous regardez attentivement les photos du fond du réservoir, vous pourrez apercevoir un léger gaufrage de surface dû au dépôt de goudron.
A noter qu’à l’époque de production de la locomotive grandeur, le goudron était très souvent utilisé en compagnie de plumes de volailles pour badigeonner les tricheurs et escrocs en tous genres qui sévissaient dans l’Ouest américain, les exposer en un tour de ville puis les expulser tels quels ! Je n’ai fait que reprendre le produit d’époque en le remettant à l’échelle (j’en ai utilisé beaucoup moins qu’à l’époque 😊 !!) Et pour que vous vous couchiez plus instruit ce soir, ce supplice remonte au moins à l’époque des Croisades et le goudron était versé chaud sur le supplicié (aïe, aïe, aïe) puis on le roulait dans un tas de plumes : ça collait bien les plumes durant plusieurs jours !!!
Pour répondre à la question que vous ne vous posez pas, il n’y avait aucune fuite sur les parois du réservoir, confirmant mon analyse présentée précédemment.
Donc, mon réservoir est étanche, tant autour des pièces rapportées que du fond lui-même. Maintenant, il va falloir le fermer hermétiquement avec le couvercle : j’ai réutilisé le goudron, pulvérisé en dessous et sur le bord du couvercle avant de le presser sur le réservoir en prenant la précaution de bien faire coïncider les trous de fixation.
S’il est évident que le niveau de l’alcool n’atteindra jamais le joint du couvercle, sinon il passerait dans l’abreuvoir à oiseaux par le tube de mise à Arletty, pardon à l’atmosphère 😉, il faut néanmoins que la jonction réservoir/couvercle soit étanche à l’air pour gérer automatiquement le niveau de l’abreuvoir. Le jeu consiste donc, dès que le joint est suffisamment collé, à remplir à nouveau le réservoir et à le retourner pour vérifier s’il existe des fuites : inutile de vous préciser que j’ai dû reprendre le joint à plusieurs reprises avant d’obtenir une bonne étanchéité parce que le goudron étant légèrement pâteux, il ne se dépose pas uniformément sur le support !
Le verdict final sera obtenu lors des essais complets de la locomotive sur la voie, si les conditions sanitaires me permettent d’aller voir notre maître fournisseur Pascal, ou sur mon banc de test local, ce qui ne me réjouit pas forcément car je n’ai jamais mis en chauffe à l’alcool 🤔 !
4 – Donnons, donnons de l’eau aux oiseaux (sur l’air de Pierre Perret)
Depuis le début de l’article concernant la réhabilitation, je n’ai présenté que la réalisation du réservoir, mis à part sur les plans, mais l’alimentation en alcool de la locomotive passe par le fameux abreuvoir à oiseaux, du moins un récipient spécial basé sur son principe parce que je ne compte pas mettre un véritable abreuvoir à oiseaux dans mon tender, des fois que ça les attirerait 😜😂 !
Comme je l’ai déjà précisé dans le deuxième épisode, mon abreuvoir ne peut pas ressembler totalement à l’original en raison d’un trou traversant dans le fond du tender qui a été considérablement agrandi. Il a fallu étendre la surface de fixation pour boucher ce trou et recréer la fixation taraudée correspondante.
J’ai alors découpé un joint dans une planche de papier joint fibreux de 0,5 mm d’épaisseur, fournie par Maître Pascal, à l’aide d’un cutter, fait les 4 trous nécessaires au passage des vis avec un emporte-pièce et j’ai fixé, sous le tender, l’abreuvoir sur ce joint. Dans le cas de l’abreuvoir, il n’y a pas de contrainte d’étanchéité si ce n’est l’anti-débordement d’alcool en cas de secousses du tender : l’alcool se répand alors dans le fond du tender, sans risque d’allumage, d’où l’importance du bouchage du gros trou par le joint (pour les observateurs affutés, et futés 😁, il existe un trou, en bas et à droite de l’abreuvoir : il débouche à l’extérieur avant du tender, donc sans danger de fuite d’alcool)
5 – Chaud, chaud dessous
Faisons le point : j’ai supprimé l’aberrant réservoir de gaz servant de réservoir d’alcool non contrôlé et je l’ai remplacé par un réservoir en PLA imprimé en 3D, et « goudronné », conforme à l’original mais légèrement plus grand, puis j’ai imprimé l’abreuvoir à oiseaux permettant le contrôle de l’écoulement de l’alcool. Pour le moment, j’ai refait toute l’alimentation en alcool de la locomotive, que reste-t-il à faire ? A s’occuper du brûleur dont la soudure à l’étain ressemble à une patatoïde, d’une part , et pourrait fondre en raison de la température, d’autre part, si je la refaisait tel quel 😧 !
Il faut donc que je dessoude ce raccord et que je le nettoie le plus possible de son étain afin de le braser à l’argent. Mais il me semble vous avoir déjà informé de mon incompétence sur ce sujet ? Heureusement, j’ai, parmi mes amis modélistes, Pierre, Président du Club d’aéromodélisme d’Arvert – le Model Arvert Club, MAC 17 pour les intimes –, qui maîtrise cette technique et se propose de me l’apprendre (j’en entend certains qui disent « il va avoir du boulot ! », attention 😉) en me faisant faire moi-même cette brasure.
Avant de dessouder, il faut que je fabrique un petit outillage simpliste pour maintenir les deux pièces dessoudées à la cote entre le premier brûleur et la patte de fixation.
Mais il faut aussi que je commande les tubes laiton qui vont me permettre de refaire le conduit d’alimentation en alcool des brûleurs. En effet, le tube du brûleur a un diamètre extérieur de 6 mm et celui lié au tuyau souple est de 4 mm. Il va donc falloir créer un montage gigogne, façon poupées russes, brasé à l’argent pour tenir la température, d’un tube de 6,1 mm de diamètre intérieur et de 30 mm de longueur, enserrant le tube du brûleur, suivi d’un tube de 6 mm extérieur et 4,1 mm intérieur, inséré dans le précédent, lui-même suivi d’un tube de 4 mm extérieur pour le raccordement au tuyau souple. Si j’ajoute que je n’utilise que quelques centimètres de chaque tube et qu’ils ne sont fournis qu’en longueur de 50 cm, vous pouvez m’en demander si nécessaire, je vous en ferai cadeau (qu’est-ce qu’il est bon, ce CyberPapy 🤩).
Et maintenant, je dessoude la partie rapportée sur le brûleur puis je dessouderai la patte de fixation pour la remettre sur le nouveau tube laiton de 6,1 mm de diamètre intérieur à l’aide l’outillage réalisé précédemment.
Seulement, voilà, tout ne se déroule pas comme on le voudrait 😒 Quand j’ai dessoudé le gros tube supportant la patte de fixation, j’ai découvert que ce tube avait été martelé en bout pour s’adapter au tube du brûleur et souder grossièrement à l’étain pour boucher les différences de diamètres 😡 !
Mais le massacre ne s’arrête pas là : lorsque j’ai réussi à dessouder, très difficilement au chalumeau à gaz, la patte de fixation fixée sur le gros tube, j’ai découvert que la soudure n’était pas là par hasard ou par inadvertance, à l’insu de son plein gré 😉 (la bêtise rapporte parce que le cycliste à l’origine de cette expression est dorénavant commentateur-expert du Tour de France sur Europe 1 😯), mais pour corriger une casse de la patte !!!! Je vais donc être obligé de refabriquer cette patte aux cotes originales afin de fixer correctement le brûleur sous la locomotive 🤔 !
6 – Allumer le feu (par « Jôni »)
Après ce massacre, il n’y a plus qu’à découper les tubes et le plat en laiton dont, comme en témoigne la photo ci-contre, il reste de belles chutes ! C’est ainsi que je me retrouve face à, de haut en bas :
- un plat d’une dizaine de centimètre pour fabriquer la patte de fixation,
- un tube Ø 4 mm de 28 mm de long,
- un tube Ø 6 mm de 30 mm de long,
- un tube Ø 7 mm de 30 mm de long,
- un brûleur à 3 mèches avec 10 mm de tube d’entrée Ø 6 mm à braser.
Mais avant de braser tous ces tubes (excepté celui de l’année 😉), il faut préparer la patte de fixation en suivant le processus illustré ci-contre, de gauche à droite et de haut en bas :
- pliage centré autour d’un foret de 6 mm,
- finition du pliage arrondi autour du foret à l’étau,
- perçage d’un trou Ø 2,8 mm pour la vis de serrage du tube du brûleur,
- essai de mise en place de la vis de serrage Ø 2,5 mm avec son écrou.
C’est maintenant le moment de vérité : le brasage des tubes et du brûleur 😟 ! A cet effet, je me suis acheté une valise de brasage pour modéliste chez Multirex (publicité gratuite) à laquelle j’ai ajouté le gaz, l’oxygène, la brasure à l’argent et la pâte à braser nécessaires à cette opération, comme en témoigne le cliché ci-contre. Cependant, ce n’est pas la truelle qui fait le maçon mais il peut apprendre à la manier 🙂 avec un bon formateur ! Et Pierre m’a fait faire plusieurs essais avec son matériel, plus proche d’un chalumeau oxhydrique, qui permet d’obtenir des températures directement compatibles avec le laiton, et le mien dont la minuscule flamme atteint des températures qui font fondre le laiton, ce qui n’est pas vraiment le but recherché 😞 !
Après plusieurs essais infructueux, et un réglage pointu de la flamme, j’ai enfin réussi à braser sans fondre😎. Mais je dois être honnête en précisant que le brasage final a été fait par le Maître, et non par l’apprenti fondeur (frondeur aussi quelquefois 😜), pour obtenir le résultat de la photo ci-contre. Et j’ai aussitôt glissé la patte de fixation à sa place pour en vérifier le serrage.
Je l’ai ensuite retirée pour effectuer le pliage à l’étau des retours de fixation sous la cabine de la locomotive et leurs mises à la cote de largeur puis j’ai repéré et percé les trous de passage Ø 2,2 mm pour vis Ø 2 mm qui fixeront la patte à la cabine en supportant fermement le brûleur.
En général, pour faire du feu avec de l’alcool, il y a deux méthodes : la première consiste à verser du rhum dans la poêle où se sont gentiment bronzées vos bananes et de passer une allumette près du bord de la poêle (attention aux sourcils et aux cheveux 🤕), la seconde est similaire à celle pratiquée par nos grands ou arrières grands parents (ça dépend de l’âge du lecteur !) lorsqu’ils allumaient la lampe à pétrole en approchant une allumette de la mèche imbibée d’alcool (pas de l’aïeul imbibé, sinon ça craint 😉).
Comme vous vous en doutez, c’est la seconde méthode que je vais employer. Donc il faut maintenant mettre des mèches dans les trois cuves du brûleur. Là encore, il y a plusieurs matériaux pour rouler les mèches : de l’amiante tressée, du grillage inox extrêmement fin ou de la toile de verre fine, ces deux derniers matériaux ayant une grande durée de vie. Les mèches d’origine du brûleur étaient en amiante et passablement « cramées » donc j’ai cherché quelque chose d’autre pour les remplacer. Comme je l’ai déjà indiqué, je suis aussi membre, et trésorier, d’un Club d’Aéromodélisme et on y utilise beaucoup de toile de verre pour mouler les fuselages donc j’ai forcément décidé que je ferai mes mèches avec et j’en ai trouvé de 0,3 mm d’épaisseur…………….au mètre carré ! Inutile de vous préciser que, comme pour les tubes laiton, j’ai du rabiot !!! ☹
J’ai découpé 3 bandes de 4 cm de largeur sur un mètre de long. J’ai roulé chaque bande très serrée, ce qui n’est pas facile du tout parce que la toile glisse sur elle-même 😥, et je les ai enfoncées dans les cuves du brûleur en m’assurant qu’elles soient bien au fond. J’ai alors pris ma plus belle paire de ciseaux et je les ai étêtées à 3 mm du bord (c’est vachement précis !) suivant les directives des tutos spécialisés (Ya des mecs qui savent 😇).
Les mèches étant en place, j’ai remonté le brûleur à sa place sous la locomotive, sécurisé par la patte de fixation dont la vis a été serrée. Il ne restait plus qu’à ré-accoupler le tender à sa locomotive, ce qui fut fait, et à relier l’abreuvoir à oiseau à l’entrée du brûleur avec un tuyau souple, en « poly-quelque-chose » résistant aux carburants, pour clore glorieusement, si les essais sont concluants 🤔dans le dernier épisode de cette série déjanté, non déraillée, la saga de la partie mécanique de cette réhabilitation.